Que sait-on du fromage de Comté et que ne précise-t-on pas ou insuffisamment ?
Similitudes avec le champagne
Une comparaison imagée pour commencer avec le champagne. De ce dernier, il s’en produit quelque trois cent trente millions de bouteilles par an avec une seule et unique appellation, connue dans le monde entier. Ce nom résonne comme la plus désirée boisson dans plus de deux cents pays.
Oui, mais. La Belgique et la France partagent le peu heureux privilège de vendre des bouteilles à dix euros qui n’ont de plaisir que la lecture de l’étiquette. La majorité des flacons de Champagne est heureusement plus représentative de l’appellation, ce qui n’empêche pas les incunables d’être réservés aux fortunés collectors.
La comparaison avec le Comté
Elle est simple : il s’en produit plus de 70 000 tonnes chaque année. Le Comté manifeste sa fierté d’avoir été dès 1936, le premier fromage d’Appellation d’Origine Contrôlée (Aoc), puis sa reconnaissance d’Appellation d’Origine Protégée (Aop) en 1998. Il existe autant de différences organoleptiques et de prix entre un « 4 mois » et un « 60 mois » que certains affineurs se plaisent à faire vieillir comme un produit à grandes résonance et prétention gastronomique. Les prix varient, environ, d’une échelle de un à six.
La Filière
Qu’est ce qui fait qu’un fromage de Comté ne ressemble pas à un autre ?
La réponse se décline en compagnie des paramètres suivants: la situation géographique de la fruitière fromagère, la saison de la récolte du lait, le fromager, la durée d’affinage, le nom de l’affineur. Je vais essayer d’être le plus bref possible, mais je ne peux vous faire baigner dans le lait des vaches des races montbéliarde et simmental, seules autorisées, sans préciser ces paramètres.
La Fruitière
C’est dans les lieux de récolte du lait que se conçoit la première étape. On les appelle les fruitières fromagères, limitées géographiquement à cinq départements. Ce sont obligatoirement des coopératives appartenant, La Palisse ne dirait pas mieux, à ses coopérateurs. Les agriculteurs franc-comtois avaient la fibre collective et leur richesse se chiffrait à deux ou trois vaches. Ce rappel exclut toute existence de Comté fermier.
Le Comté naît sur cinq départements, ce qui accentue les différences. Depuis 1993 une fruitière récolte le lait dans une limite maximale de 25 km de diamètre. A chacune le lait de pâturages semblables, géologiquement proches. Pourtant aux personnalités distinctes les unes des autres.
Le Fromager
On l’oublie. Il avait sont tour de main, sa façon artisanale d’élaboration tout en observant les règles communes. La mécanisation a amélioré les conditions de travail. Mais c’est toujours lui qui reçoit au petit matin la coulée (l’arrivée du lait dans ses cuves) sept jours sur sept. Il a depuis l’an 2000, le droit obligatoire d’un jour de repos hebdomadaire … ce que n’ont pas les vaches. Il en est résulté une école de formation des fromagers. Le fromager réceptionne le lait dans ses cuves en cuivre et le façonne dans ses meules d’un diamètre de 55 à 75 cm de diamètre. Une meule de 30 à 40 kg naît de quelque 450 litres de lait. Image chiffrée il faut dix litres de lait pour un kilo de Comté !

L’Altitude
Elle varie avec des fruitières où les vaches paissent paisiblement de 300m mètres d’altitude à des hauteurs qui ne vous et ne leur donnent pas le vertige : on monte à mille mètres. Les laits sont semblables et, ô combien différents, en substances nutritives. La pédologie varie, la pluviométrie joue son rôle, les écarts de température entre le jour et la nuit sont importants et influent sur la qualité des herbes et fleurs, ici la flore humide du printemps, là les prairies à pissenlits.
La Date de la récolte
La géologie et la flore interviennent sur la richesse aromatique et les saveurs du lait. S’y ajoute, la saison : le lait d’hiver né du foin a beau être irréprochable, n’a pas la richesse du lait d’été. On préfère celui tiré du pis de vaches ayant passé leur journée à brouter au soleil comme dans la pluie. Une utile exigence de l’appellation requiert qu’une vache a droit à un hectare de pâturage .

Les Affineurs
L’affineur reçoit la meule « pré affinée » de la fruitière dans ses froides caves et va laisser des milliers de meules se maturer pendant un minimum obligatoire de quatre mois. Puis plus longtemps, beaucoup plus longuement, selon le souhait des membres de la fruitière. Les accords ne sont pas toujours évidents au sein des coopérateurs, mais l’esprit démocratique finit par prendre le dessus. Le choix de l’affineur dépend également de la fruitière. Chacune peut se limiter à un affineur ou décider d’orienter sa production vers deux ou trois affineurs ou, encore, rapatrier ses meules dans leur fruitière pour une commercialisation en direct. D’autres laissent ce soin aux affineurs.
Ceux-ci ont commencé à se faire un nom. Ils ont ouvert leurs immenses caves aux médias pour qu’on estime au plus haut niveau leur qualité professionnelle, décident de la durée de l’affinage selon des critères qui leur sont propres.
Le Trieur
Intervient ici un nouveau personnage, le chef de cave dit aussi le trieur. Il frappe les meules avec le manche d’un outil nommé sonde.Il écoute les bruits et ressent les sensations kinesthésiques. C’est le rebond qui le renseigne sur la maturité de la pâte. Un son creux est signe de maturité, un rebond important lui indique une pâte encore jeune.

Le Comté est ainsi le SEUL PRODUIT ALIMENTAIRE qui fait intervenir L’OUIE dans sa fabrication.
Le trieur perce ensuite la meule avec la lame de sa sonde, en extrait « une carotte » de fromage qu’il sent, en prélève un tout petit morceau, en déguste si besoin une lichette qu’il déguste et replace « la carotte » à sa place.
Ces lots de meules, régulièrement contrôlés en cours d’élevage bénéficient de maturations supplémentaires avant leur commercialisation.
Ces paramètres sont les bases des mille et un fromages de Comté.
Vers les Comtés de gastronomie
On s’attardera une seconde sur les Comtés de 4 mois. Les enfants les adorent et ils ont raison. Mous au toucher comme au palais, ils respirent la fraîcheur. C’est un délicieux fromage passe-partout. Le 4 mois est celui qui est vendu râpé et s’utilise en cuisine.

On a peut-être un travail à accomplir sur la qualité de ces comtés selon A.Mathieu qui ne désespère pas que l’Aop soit un jour, lointain sans doute, décernée aux comtés de 6 mois de vieillissement.
Avec le temps le comté en vieillissement se durcit, se fortifie, abandonne son origine lactique, s’enrichit de saveurs nouvelles, légères ou prononcées. Sa longueur, sa rémanence accroissent l’intérêt qu’on lui porte.
Le Comté de 12 mois se vend dans les fruitières sous le nom de doux. A partir de 15 mois il est présenté comme fruité, Ces indications sont des tolérances, stigmatise Denise Renard, Directrice adjoint du Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté (Cigc) qui confirme que « la date de fabrication est écrite sur le fromage lui-même .» Il faut dès lors faire confiance au détaillant qui vend du comté dans de nombreux pays.
Le Président de l’appellation note que l’âge moyen des ventes oscille entre 6 et 9 mois. Cependant les enquêtes que j’ai menées montrent qu’en général les détaillants spécialisés vendent de préférence des comtés de 18 à 30 mois et plus, insistant sur des provenances exclusives de laits d’étés, sans que l’on connaisse nécessairement la fruitière d’origine, plus souvent le nom de l’affineur, voire du grossiste du marché de Rungis.
Fin du parcours initiatique.Nous allons déguster « notre » Comté gastronomique. A quel moment, à l’apéritif à la fin de repas ? Avec quel vin? Les réponses dans le prochain article.
Cher Jo,
Vive le Comté !
Bon souvenir de la visite chez un producteur de ce fromage délicieux, lors d’un séjour à Visargent.
J’attends la suite…
Bises.
J’aimeJ’aime