Bordeaux et ses classements

Pourquoi faire simple quand on peut se compliquer la vie ?

Les classements du Bordelais

Le Bordelais est riche en vin. Et en classements. Il y a celui, historique et hiérarchisé en cinq échelons, du Médoc de 1855 qui a la particularité d’y inclure un vin de Graves. Il y a celui, tout autant historique, des Sauternes de 1855, qui se distingue en offrant sa propre hiérarchie. Il y a celui des vins Bourgeois du Médoc. Il a été répertorié en même temps que celui des Crus Classés, officialisé en 1932, et doté d’une hiérarchie en trois rangs. Remanié en 2003, puis annulé, puis relancé différemment en attendant de revenir, qui sait, à sa forme première, l’originale avec les modifications dues aux nombreux changements survenus dans les propriétés et propriétaires sans, heureux bonheur, modification du terroir. Ou, alors, minimes.


Il existe, toujours sur ce qu’on appelle la rive gauche de la Garonne, la classification des vins de Graves qui date de 1953 qui veut simplement qu’on soit classé ou pas, en rouge ou en blanc. Ou dans les deux couleurs. Revu à la va-vite en 1959 non pour raisons de modifications. Juste pour réparer des oublis. Il existe, en plus, une autre nuance dont on parlera un jour.

N’oublions pas la belle région qui répond au nom évocateur de l’entre-deux-mers ou, en acronyme, E2M, entre la Dordogne et la Garonne. Diverses appellations, mais aucun classement.

L’autre région est considérée comme la Rive Droite. Sa capitale, Libourne, donne accès en cinq minutes à deux appellations prestigieuses, encore que l’adjectif, objecteront certains, ne soit pas approprié. Disons dès lors deux appellations dont l’aura est universelle. Commençons par Pomerol, la plus simple puisqu’il n’y existe aucun classement. «On n’en a vraiment pas besoin», justifiait-il jadis le président de l’appellation. Sans classement donc, quoique. On admet, de l’Europe à Los Angeles, en passant par Tokyo et Pékin, que Pétrus est à considérer, avec respect et justesse, comme un Premier. Donc, sans aller plus en avant, un Premier non classé. Voisine, Saint-Emilion avec, vite dit, deux appellations, Saint-Emilion et Saint-Emilion Grand Cru. Cette dernière s’enrichit d’un classement hiérarchisé, très différent de celui de la Rive Gauche. Saint-Emilion Grand Cru est en pleine tourmente actuellement. On patientera avant de plonger dans son tsunami interprofessionnel et juridique.

Il faut également signaler que ces deux appellations majeures se dotent de cousins satellites, Elles bénéficient de l’adjonction capitale, énorme bonus commercial, du grand nom. Elles s’appellent Lalande-de-Pomerol pour l’une, de quatre cousins répondant aux noms de Saint-Georges Saint-Emilion, Lussac Saint-Emilion, Puisseguin Saint-Emilion, Montagne Saint-Emilion.

Toujours sur la rive droite, un chapelet d’appellations sans classement, de Fronsac à Blaye en passant par les Côtes de Bourg. Ces appellations eurent leurs heures de gloire, qu’elles pourraient et devraient reconquérir.

Le courtier

S’il est bien un métier inconnu du grand public, c’est celui de courtier en vins dans le Bordelais. Leur présence est pluriséculaire et leur indispensable présence, essentielle à la bonne marche des affaires. Ils sont les intermédiaires de confiance entre les propriétaires vendeurs et les négociants, d’abord acheteurs avant de devenir les vendeurs. Ils portent au très loin la renommée des vins de Bordeaux. Ce rôle primordial et ancien, attesté par une ordonnance de 1321, signée par Philippe le Bel a bien sûr évolué au fil du temps.

Le courtier est l’intermédiaire, le go-between, l’interlocuteur privilégié et discret, conseiller des uns et des autres. Selon la météo de l’année, il est l’économiste du vin, suggère d’un côté ou de l’autre les prix qui dépendent de la guerre en cours, de la tempête, des grêles dévastatrices, des gelées tueuses de sarments, du laisser-aller d’un propriétaire en difficulté financière, de l’ambition qualitative d’un nouveau venu, ce qu’il s’empresse de faire savoir à qui de droit. Le courtier parcourt le département de la Gironde partout où pousse la vigne. Primitivement au départ de Bordeaux vers le Médoc. Il écoute ce qu’on lui dit. Il enregistre des doléances comme un confesseur, peut-être en place du curé. Il déguste, déguste encore, donne son avis professionnel. C’est un œnologue avant la lettre. Il suffit qu’on le lui demande. Il est là pour cela, quand le besoin s’en fait sentir. Homme de goût et de goûts, il devient un modérateur, comme un journaliste à la télévision lors d’un débat, entre la vanité des uns et l’orgueil des autres. Tel un commissaire-priseur œuvrant en coulisse. Il souffle des prix, les compare à ceux de ses collègues. Par son entremise, il établit avec eux, une hiérarchie commerciale. Il devient l’homme à tout bien faire pour une heureuse cohabitation. Un diplomate, si on préfère. Il bat la campagne. A ses frais précise Max de Lestapis, un Bordelais pur souche. Parenthèse, un lointain aïeul, dans les années 50, mille huit cent-cinquante, est régisseur de Mouton -Branne, futur Mouton-Rothschild.

La reproduction indique:
D’après la « chronique bordelaise » édition de 1566

Max de Lestapis a été président des courtiers de la Gironde de 1991 à 2003, puis président national pendant quatre ans. Il rappelle opportunément que le courtier se déplaçait souvent seul. A lui de tirer son plan pour se nourrir, se loger. Le gîte et le couvert. Pour lui et pour son cheval. Il emporte des échantillons, pour les vins proposés par les propriétaires ou pour des négociants (de Bordeaux) à la recherche de vins à acheter pour les revendre au loin, sur d’autres terres vineuses, pour des gosiers déjà amateurs de Clarets.  Au courtier de sélectionner les échantillons de la ou des barriques qui l’intéressent, il les marque pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ses choix, tant la qualité varie d’une barrique à sa voisine, d’un foudre à l’autre. De Lestapis toujours : c’est lorsque le vin est agréé entre les parties, l’agréage, selon lequel le vin est «droit de goût, loyal et marchand» que le courtier finit par toucher sa commission, généralement deux pour cent, un pour chaque partie. Ceux qui vont procéder au futur classement de 1855 sont des courtiers impériaux. Ils deviendront assermentés en 1866.

Le métier de courtier s’est davantage spécialisé. On est passé, mais il a fallu du temps, à un examen d’aptitude professionnelle en 1997. Ne devient plus courtier qui veut. On peut dire qu’il y a trois grands types :

Les spécialistes des grands crus, avec en tête trois courtiers historiques, emblématiques : Tastet-Lawton, Blanchy-de Lestapis et Balaresque.

Le gros de la troupe s’occupe principalement de vins mis en bouteilles au château avec en général une orientation régionale plus ou moins marquée. On peut être de la rive droite et de l’EdM sans parcourir le Médoc. Certains sont devenus plus spécialisés dans le vrac pour alimenter les marques commerciales des négociants. Certaines sont mondialement connues, Mouton-Cadet en tête.

Les Notaires du Monde Vinicole

A force de tout savoir, le courtier est devenu le notaire du monde vinicole. Un notaire de confiance, fiable, puisque assermenté. Interdit de commerce en plus. Autre point fort, sa discrétion à laquelle s’ajoute son savoir. Voilà : les courtiers se sont rendus indispensables à la bonne marche des affaires viticoles. Ils seront les vedettes discrètes lorsqu’ils répondront favorablement à la demande de la Chambre de Commerce de Bordeaux. Sont-ils juges et parties ? Sans aucun doute, mais qui d’autre qu’eux pour les remplacer ? Le verdict leur appartient. Ils ignorent encore que leur jugement passera à la postérité.

Comment ont-ils procédé ? Comment ce classement a-t-il défié ses 167 années d’existence ? Ma réponse ne saurait tarder.

Jo Gryn

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