CHATEAU MOUTTE BLANC

UN VIN
UNE HISTOIRE

Les grands vins sont ceux qui ont une histoire, un passé qui remonte aux origines du vignoble ou dont la création est liée à des événements récents, inattendus. Ils leur confèrent des vertus très particulières, semblables à un effet de marketing, de communication, de publicité, indépendants ou liés. Les vignerons en tirent un avantage certain. Sauf que, souvent, ils ne cherchent pas à tirer parti de leur singularité. J’en ai croisé quelques-uns dans mes parcours vinicoles.

Leur cuvée dans la prestigieuse appellation

AU LION D’OR

Cette rencontre tient du hasard. Elle remonte à l’époque où le Médoc était un désert gastronomique. Les mauvaises langues affirmeront péremptoirement qu’il l’est toujours. L’exception au mitan des années 1980 était le Lion d’Or, un ancien relais de poste, situé à Arcins, sur l’appellation Margaux. Un établissement devenu fameux parce que le chef ne se départissait jamais de sa verve, vous prenait à témoin des derniers cancans, nombreux, qui circulaient entre Bordeaux et le lointain Saint-Estèphe. Lors de la reprise de l’établissement par Jean-Paul Barbier, cuisinier de formation, le bâtiment tenait davantage du Relais de Poste façon dix-neuvième siècle que d’un bistrot-resto classique. Le chef y avait investi ses deniers et se trouva fort dépourvu lorsque vint le temps de constituer et remplir une cave à vin. Sa démarche fut unique et n’a jamais été copiée sur le moindre vignoble. Des propriétaires avisés vinrent déposer leurs vins qu’ils logèrent dans des casiers dont ils possédaient la clé comme le chef. A défaut d’une cuisinière dans leur propriété, les propriétaires vinrent de plus en plus fréquemment, puisant dans leur casier une, voire plus d’une, souvent assez fiers d’en offrir une à un collègue assis à une autre table. Jean-Paul Barbier affirmait que son métier et son gagne-pain étaient la cuisine, non pas la vente de vins. Le Lion d’Or s’enorgueillissait de la vingtaine de casiers sous clé, gardiens, parmi d’autres, de Château Palmer, de Château Margaux, de Château Lynch-Bages, d’autres encore moins titrés dans la hiérarchie. Les casiers du premier cercle se révélèrent vite insuffisants. D’autres, nombreux, vinrent avec le temps compléter la décoration du restaurant.

UNE RENCONTRE INATTENDUE

Le soir où j’y étais attablé, le chef me présenta un couple de jeunes vignerons, Patrice et Odile de Bortoli.

Ils possédaient leur casier, à l’enseigne du Château Moutte Blanc, un vignoble familial de près de cinq hectares qu’ils avaient repris en main. Ils m’avaient immédiatement surpris lorsqu’ils me détaillèrent l’originalité d’un encépagement très peu médocain : 50% de merlot, 25 de cabernet sauvignon et 25 de petit verdot. « Ce cépage était présent lorsque nous avons repris l’exploitation, les vignes avaient un âge vénérable, » me racontèrent-ils. Ils décidèrent de vinifier séparément un lot de vieux petit verdot. 

Ce vin-là ne bénéficiait pas de la prestigieuse appellation Margaux. Ce n’était ni un Classé, ni un Bourgeois, tout simplement un cru Artisan, en appellation Bordeaux Supérieur, cependant bichonné comme un grand Margaux. Le beau-père d’Odile avait récupéré un champ, cadastré du nom de Pré du Mouton Blanc. Donner le nom de Château du Mouton Blanc aurait été considéré comme un crime de lèse-majesté par le Premier Cru Classé de Pauillac. Il n’y eut nulle objection lorsque ce vignoble fut alors baptisé Moutte Blanc.

MOISIN

Les nouveaux vignerons sentirent dès la création de Moutte Blanc que le demi-hectare de petit verdot possédait une identité propre, unique dans tout le Médoc. Ils lui conférèrent le nom de Moisin. Cerise sur le gâteau, ces vignes possédaient l’âge vénérable de quatre-vingts ans de bons et loyaux services !

La cuvée 100% Petit Verdot

Je me souviens en avoir parlé à Denis Dubourdieu, professeur à la faculté d’œnologie de Bordeaux et vigneron que j’avais rencontré à cette époque à la fois lointaine et toute récente, quand la vigne ne faisait pas « vivre » les propriétaires de vignobles peu connus. Il montra le plus grand intérêt lors d’une visite que nous y fîmes en revenant d’une manifestation à Saint-Estèphe.

Les de Bortoli ont agrandi leur vignoble. Rien de spectaculaire puisqu’ils sont à la tête de « seulement » six hectares. Pour lesquels, autres originalités, ils proposent leurs vins sous huit cuvées, quatre appellations, une sur une parcelle revendiquée et obtenue en 2007 dans la prestigieuse Margaux, une autre, la cuvée Marguerite, en Haut-Médoc et enfin, le pur Petit Verdot en Bordeaux Supérieur. Les vignes devenues centenaires se portent fort bien me confirme Mme Bortoli. Elles continuent à générer quelque 2 800 bouteilles à chaque vendange connues sous le nom de Cuvée Moisin.

C’est elle qui reste, à mes yeux, la vedette de leur vignoble aux cuvées si diversifiées.

Jo GRYN

Une réflexion sur « CHATEAU MOUTTE BLANC »

  1. Cher Jo,
    Merci de cette belle histoire d’un couple dont le patronyme évoque irrésistiblement un coureur cycliste italien célèbre. Peut-être aurait-il été judicieux de préciser que le vin concerné est de couleur rouge, Comme le Cheval Blanc. Je dis ça, je ne dis rien. Très amicalement.
    Olivier

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